« Je suis là en tant que professionnel de la forêt, pour des constats techniques, mais très vite ils passent au second plan… ». Présent à Landiras, commune tristement confrontée à de vastes incendies de forêts, Pierre Hermans témoigne et rappelle le défi immense du changement climatique et de ses conséquences qui imposent une mobilisation totale de tous les acteurs.

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Témoignage

Gironde, jeudi 21 juillet 2022, l’incendie sur la zone de Landiras est toujours en cours. Son extension est enfin freinée, mais le feu n’est ni maitrisé, ni fixé. Le Maire de Landiras m’a octroyé un laissez-passer technique me permettant de pénétrer dans le périmètre interdit et de suivre les pompiers en opération. Je dispose d’un créneau de deux heures, pas une minute de plus, pour appréhender sur le terrain les circonstances de l’incendie et tenter de comprendre son mécanisme et sa dynamique, ce qui permettra de mieux envisager la restauration des parcelles et la prévention des futurs incendies.

La première impression est surnaturelle : le périmètre en question – la zone de Landiras / Balizac / Saint Symphorien – est totalement désert. Les maisons sont vides. Je ne croise personne sur les routes, sur des kilomètres. La seule présence humaine dans les villages est celle des pompiers, regroupés sur des lits de camp autour de leurs véhicules d’intervention, aux abords d’une école ou d’une salle des fêtes transformée pour l’occasion en espace de repos ou en poste de commandement. Partout flotte une odeur âcre de brulé et de fumée. Les Canadairs tournent dans le ciel.

Je suis là en tant que professionnel de la forêt, pour des constats techniques, mais très vite ils passent au second plan. Ce qui me marque le plus, c’est l’humain, la détermination et le courage des gens que je croise. A la Mairie de Landiras, déjà, malgré le manque de sommeil évident, tout le monde est disponible, à l’écoute, en mouvement. Sur le terrain, dans la forêt calcinée encore fumante, je rencontre des pompiers venus de toute la France, ils avancent mètre par mètre pour combattre le redémarrage du feu qui couve partout, sous la cendre. Cagoulés et casqués, ils tirent d’interminables tuyaux pour pénétrer au cœur des parcelles où leurs véhicules ne peuvent accéder. Ici aussi la fatigue est palpable, mais la mission sera accomplie, quoi qu’il en coûte.

Sous l’angle forestier, je suis d’abord surpris par l’ampleur des travaux qui ont été effectués en une semaine, à peine, par les entrepreneurs et sylviculteurs locaux : ouverture de coupe feux, nettoyage des lisières, exploitations préventives pour éviter que le feu ne franchisse les routes, exportation des matières combustibles… La mobilisation est totale.

Il reste, de ci de là, des parcelles miraculeusement indemnes, qui témoignent de la nature de la forêt sur ces territoires : des pinèdes monospécifiques très denses, peu fragmentée, à perte de vue. Un départ de feu dans de tels peuplements ne pouvait être que dévastateur. Pourtant, quand le temps de la réflexion et de la restauration de la forêt sera venu, il faudra éviter les utopies, et tenir compte de la spécificité de la station : les sols sont pauvres et sableux, le pin est une des rares essences qui peut y pousser correctement. Il serait simpliste et inefficace de vouloir l’éliminer, sous prétexte de son inflammabilité. Bien sûr une certaine diversification des essences devra être étudiée, mais plus encore, c’est le design et la structure des parcelles qui devront être repensés. Les densités, la gestion des lisières, la création et l’entretien de coupe-feux, de chemins d’accès… seront autant d’éléments cruciaux qui permettront à l’avenir d’éviter qu’un départ de feu, toujours possible, se transforme en incendie incontrôlable.

A Landiras comme ailleurs, une fois de plus, les forestiers sont confrontés au défi immense du changement climatique et des phénomènes induits, qui impose une mobilisation totale de tous les acteurs.


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